Publié le 13 juin 2023 Mis à jour le 14 juin 2023

Depuis une décennie, l'immunothérapie, qui consiste à stimuler les défenses immunitaires d'un organisme pour lutter contre un pathologie présente, a révolutionné la prise en charge des patients en oncologie. Une équipe du Centre de recherches en cancérologie de Toulouse (CRCT - CNRS/Inserm/UT3) a découvert que des lymphocytes spécifiques activés localement dans les tumeurs du colon jouent un rôle clé dans l'immunité antitumorale et ont une influence bénéfique au contrôle du développement des métastases tumorales.

Des travaux menés par Christel Devaud et Virginie Feliu, dans l’équipe « Immunité antitumorale et immunothérapie » dirigée par Maha Ayyoub et Jean-Pierre Delord, enseignants-chercheurs au CRCT (UT3/Inserm/CNRS), en collaboration avec l’IUCT-Oncopole, montrent la capacité de lymphocytes T intestinaux à migrer vers les métastases et à les contrôler. Leur étude a été publiée le 8 juin dans Science Immunology.

Les stratégies actuelles d’immunothérapie sont basées sur des anticorps monoclonaux qui lèvent les freins des lymphocytes T antitumoraux préexistants chez les patients. Malgré le caractère immunogène du cancer colorectal (CRC), les immunothérapies, éprouvées dans la majorité des essais cliniques chez les patients atteints de cancer colorectal métastatique (mCRC), s’avèrent malheureusement efficaces que pour un faible nombre de patients. Les métastases hépatiques, les plus fréquentes dans le CRC, sont particulièrement difficiles à traiter.

En utilisant un modèle original de mCRC chez la souris, consistant à implanter des tumeurs en orthotopique, c’est-à-dire dans le tissu d’origine de la tumeur, ici le côlon, et dans les sites métastatiques, Feliu et al. ont montré que les tumeurs de côlon pouvaient stimuler des lymphocytes T CD8 antitumoraux, capables spontanément de contrôler, dans une partie des souris, la croissance de la tumeur primaire mais aussi de métastases à distance, en particulier hépatiques.

Ces lymphocytes T CD8 effecteurs, jouant un rôle déterminant dans le contrôle des métastases, ont une origine intestinale, confirmée par l’expression à leur surface de l’intégrine alpha 4 beta 7, physiologiquement responsable de la localisation et de la rétention intestinale des cellules de l’immunité. Les résultats obtenus chez la souris ont été validés par une analyse des lymphocytes T CD8 alpha 4 beta 7 dans les métastases et le sang de patients souffrant de mCRC et traités par immunothérapie. La présence de ces lymphocytes était associée à une meilleure réponse à l’immunothérapie. « Nos travaux démontrent que les tumeurs coliques peuvent activer localement des lymphocytes T CD8 intestinaux qui peuvent ensuite exercer des fonctions antitumorales systémiques aboutissant au contrôle de la maladie métastatique », confie Christel Devaud.
 

« Les perspectives de ces résultats sont doubles. D’un point de vue de recherche fondamentale, ce travail démontre un rôle de l’immunité intestinale dans l’immunosurveillance systémique du cancer et ouvre la voie à l’exploration de ses mécanismes et rôles physiologiques. Des perspectives cliniques, celles-ci à plus long terme, pourraient en découler, notamment le développement de stratégies nouvelles d’immunothérapie, tels que les vaccins anticancer, pouvant contrôler la maladie métastatique dans le CRC », indique Maha Ayyoub.
 

Référence
Distant antimetastatic effect of enterotropic colon cancer–derived α4β7+CD8+ T cells
Virginie Feliu, Carlos Gomez-Roca, Marie Michelas, Noémie Thébault, François Lauzéral-Vizcaino, Anna Salvioni, Lise Scandella, Emeline Sarot, Carine Valle, Camille-Charlotte Balança, Clara-Maria Scarlata, Jean-Pierre Delord, Maha Ayyoub, Christel Devaud
Science Immunology, 2023

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